vendredi 25 décembre 2009

Cap Vert et traversée vers le Brésil


  
Nous vous avons laissés le 3 novembre dans le port de San Sebastian de la Gomera, c'est à 14H45 que nous quittons lesCanaries, cap au 207 direction l'île de Sal au Cap Vert. Nous commençons cette navigation de 750Mn en compagnie dubateau « Salicorne « de Cédric et Lilia que nous avions connu à Porto Santo.

Cette traversée se fera sans problèmeparticulier par vent de NE dominant force 4 à 6, sauf le 8 où une déferlante s'abattera sur l'arrière du bateauendommageant un peu les fixations du panneau en bois fermant l'accès au radeau de survie.
Le bateau de Cédric étant plus lent que nous, nous nous causerons à la VHF les deux premiers jours puis curieusement l'avant dernier en appelant un gros catamaran Lagoon 500 (produit dans l'usine où travaille Yves) Cédric nous répond alors qu'il est à 80 milles derrière, la portée des ondes en mer est assez fluctuante, mais il est vrai que notre VHF porte particulièrement loin.
Encore une fois devrons ralentir l'allure la dernière nuit afin d'arriver de jour au mouillage. Ce que nous faisons à 9H15 le mardi 10 après 768Mn. L'île de Sal est très plate avec de ci de là des monts volcaniques qui en brisent la monotonie. Elle est aussi extrêmement aride bien qu'à l'arrivée on voit une légère couche de verdure la recouvrir témoin desrécentes pluies parfois diluviennes qu'ont connu ces îles en octobre.Ici fini les marinas avec tout le confort européen, nous sommes au large du Sénégal mais pas en Afrique comme le plaisent à souligner les Cap Verdiens, pour eux ils sont en Atlantique et il est vrai que cet archipel forme avec les Açores, Madère et les Canaries, la Macronésie.
Nous jetons donc l'ancre au port de Palmeira, poumon économique de l'île avec l'aéroport puisque tous les échanges maritimes se font ici. L'environnement n'est donc pas vraiment gai avec des cargos, des containers et des réserves de carburant. Seulement il y a les habitants qui sont vraiment gentils et pas du tout quémandeurs comme au Sénégal, beaucoup sont pêcheurs et le matin le spectacle est sur le quai, c'est vraiment impressionnant de voir la taille des thons qu'ils vident à l'arrivée de leurs petites embarcations. Ils viennent nous proposer leurs autres poissons, en particulier le « garoupa », espèce de mérou rouge vraiment délicieux, mais les thons sont réservés aux restaurateurs de l'île.
On est aussi très frappé et cela se confirmera sur les autres îles visitées du nombre de jeunes, ils vont tous à l'école et y ont une tenue identique. Ils sont aussi, sans doute grâce à leurs professeurs, très sensibilisés aux problèmes de la pollution en mer, surtout vis à vis des tortues marines, en témoignent d'immenses fresques peintes sur les murs de l'enceinte du port par les écoliers.

Les îles du Cap Vert se divisent en deux groupes, les îles sous le vent les plus sud avec Maio, Santiago, Fogo et Brava, et les îles au vent avec Sal, Boavista, Sao Nicolau, Santa Luzia, Sao Vicente et Santo Antao. Un voilier doit faire son entrée soit à Santiago, Sal ou Sao Vicente. Nous avons choisi Sal car ne désirant pas visiter toutes les îles, nous nous limiterons aux îles au vent d'autant plus qu'une épidémie de dengue sévit dans celles sous le vent. Beaucoup d'autres bateaux font comme nous et il n'est pas étonnant de retrouver à Sal des bateaux déjà rencontrés tout au long de la descente de l'atlantique, certains ne faisant escale qu'à Sao Vicente avant de rallier soit les Antilles, soit le Brésil.
A notre arrivée peu de bateaux de connaissance mais dès le lendemain pas moins de six voiliers déjà connus arriveront dont « Salicorne ».Pour continuer dans la rubrique « le monde est petit », ce soir là nous invitons Cédric et Lilia à prendre un verre à bord et au fil de la discussion nous découvrons qu'il est officier de marine marchande et qu'il était au Havre à l'école en compagnie de Sylvain fils de notre amie Marie Dominique et copain de nos deux enfants, comme quoi...
Le port de Palmeira est situé à six kilomètres environ de Espargos la principale ville et pour nous y rendre nous découvrons le moyen le plus convivial et le plus économique des transports en commun : l'aluguer. Il existe deux sortes d'aluguer : le minibus en général des Hiace Toyota qui peut prendre de 12 à 15 personnes et le pick-up possédant des bancs en bois dans la plateforme arrière. Le premier est plus confortable, encore que dans les plus anciens les sièges sont complètement avachis et on ressent durement les secousses, et la musique y est en général à fond. Le deuxième est beaucoup plus rustique mais on est à l'air libre, c'est la clim naturelle et il transporte marchandises et passagers, c'est mieux que le minibus quand c'est du poisson alors qu'il fait 30°!
Espargos est le noeud routier de l'île qui a trois routes principales : celle du sud qui va vers l'aéroport et la station balnéaire « usine à touristes » de Santa Maria, celle de l'est allant aux Salines et celle de l'ouest venant du port où nous sommes : Palmeira. Notre préoccupation principale étant l'avitaillement nous pensions trouver à Espargos des magasins un peu plus achalandés qu'au port mais il n'en est rien. Dans ces îles il est impossible de trouver un morceau de viande fraîche, tout est congelé et limité au poulet, côtes de porc, saucisses et viande de chèvre par endroits, le choix des légumes est aussi très réduit. En fait ils ont un tout autre mode d'alimentation que nous, le poisson étant vraiment la nourriture de base, il faut dire qu'avec la chaleur cela limite le frais. Par contre il existe des produits laitiers inconnus chez nous : nous avions déjà expérimenté en Espagne le beurre en boîte de conserve avec une date de péremption supérieure à un an et ici les yaourts qui peuvent se conserver trois mois et tout cela sans les mettre au frigo.

La deuxième préoccupation vitale est le ravitaillement en eau, dans ces îles au vent seules Sao Nicolau et Santo Antao sont assez hautes pour accrocher les nuages et avoir des précipitations, sur les autres la déssalinisation de l'eau de mer est obligatoire et donc Palmeira comme les autres agglomérations a son point d'eau municipal où une personne est chargée de percevoir une légère redevance en fonction de la quantité prise. Tout se fait par bidons et chacun fait la queue poussant à tour de rôle les bidons des autres, je vous assure qu'à bord on ne laisse pas le robinet couler plus qu'il le faut! Cela crée aussi un climat de sympathie avec les habitants, ils nous disent d'ailleurs qu'ils ne nous considèrent pas comme touristes puisqu'on a notre maison, qu'on leur achète la nourriture et qu'on paie l'eau comme eux. Les Cap Verdiens sont d'une manière générale très gentils et pour peu qu'ils savent quelques mots de français, s'intéressent à vous et discutent volontiers.


D'autres voiliers connus arrivent encore, certains du Sénégal où nous pensions retourner cette fois-ci en bateau mais il aurait fallu trop se presser, nous préférons passer plus de temps ailleurs. Nous faisons aussi la connaissance d'un navigateur solitaire : Joël, il va aux Antilles pour la troisième fois , il y retrouvera son épouse pour les fêtes, il est picard, Annick retrouve un compatriote et il aime marcher. Avec lui et trois autres équipages nous ferons une virée aux Salines.
Le site de ces Salines est un ancien volcan qui communique avec la route par un tunnel creusé dans ses flancs, la surface des bassins à l'intérieur est impressionnante, l'exploitation du sel a été confiée à une certaine époque aux Salins du Midi et le territoire était français. Aujourd'hui subsiste une petite production mais le site vit aussi grâce au tourisme, chacun vient prendre son bain et flotter comme dans la Mer Morte ou s'enduire de boue de soufre, heureusement qu'avec le ticket d'entrée on a le droit à une douche! Toute l'équipe a pataugé joyeusement.

Nous ferons aussi une virée de 14kms pour aller nous baigner à Buracona dans des piscines naturelles creusées par la mer dans la roche volcanique noire qui absorbe et restitue la chaleur. Un soir tous les équipages français se retrouveront pour un grand barbecue de poissons sur la plage et le dimanche soir c'est le grand défoulement au village, tout le monde se retrouve sur la place principale et danse grâce à une sono d'enfer, brochettes et poulet grillé sont proposés par des mamies pour se restaurer, super ambiance.

Voilà, nous avons passé une semaine de bonheur à Sal et il est temps de continuer le voyage vers Sao Nicolau distante de 86Mn. Nous partons en même temps que Joël vers 16H afin d'arriver dans la matinée à Tarrafal, seul vrai mouillage sur cette île. Navigation tranquille de conserve avec « Rapa » pour arriver en fin de matinée.


L'île de Sao Nicolau est tout à fait différente de Sal et le mouillage également, celui-ci est beaucoup moins protégé de la houle et surtout du vent qui déboule des montagnes qui se trouvent en arrière plan, nous resterons d'ailleurs bloqués à bord pendant deux jours subissant des rafales (eh oui Tarrafal mérite bien son nom) jusqu'à 50 noeuds, heureusement que nous avons une bonne ancre car beaucoup de voisins chasseront.
Cette île est donc totalement différente de par son relief et nous qui adorons marcher nous allons en profiter en compagnie de Joël, nous attaquons avec lui l'ascension du Monte Gordo qui culmine à 1312m, tout de suite nous nous apercevons que nous ne sommes pas à sa hauteur, il nous avouera qu'il court des marathons et que bien qu'étant un an plus âgé que nous, il conserve une musculature d'athlète, cependant il s'adapte à notre rythme. Cette île est très verte et l'on trouve même des dragonniers comme à Ténérife, du sommet nous aurons une vue magnifique sur toute l'île, nos bateaux tout petits dans la baie et nous apercevrons aussi Santa Luzia et Sao Vicente.

Un autre jour, toujours avec Joël, nous ferons une superbe marche ralliant la côte nord au départ de Estancia Bras, remontant la vallée de Ribeira Furna par un sentier envahi par endroits depuis les dernières pluies par une végétation très dense, nous passerons un col surplombant un petit village complètement isolé, les enfants lavent le linge dans le lit de la rivière pendant que les femmes vont chercher du bois, les hommes eux quand on passait se prélassaient au soleil un verre de grogue (alcool de canne à sucre semblable au rhum) à la main. Nous discutons même en français avec une dame ayant vécu une dizaine d'année en Belgique. C'est ensuite par une dure montée d'un chemin entièrement pavé comme on en trouve partout, vestige de l'occupation portugaise, que nous franchirons le deuxième col avant de retrouver la vallée de Faja et de héler un aluguer pour revenir au port.

La route centrale a subi d'énormes dégâts au mois d'octobre suite aux précipitations, elle venait d'être refaite non pas en pavés comme les portugais les réalisaient mais en bitume et on aurait dit par endroits qu'une charrue avait labouré la route, soulevant le goudron, à d'autres endroits des coulées de terre l'avaient envahie, obligeant les véhicules à les franchir au pas.
Il est de coutume dans cette île de rémunérer les gamins pour qu'ils gardent votre annexe pendant votre balade à terre. Ce jour là Joël nous avait amené au quai et promis 100 escudos (1 euro) à un jeune, à notre retour il n'était plus là, mais un autre veillait et empochait les sous. Après avoir démarré le moteur celui-ci émettait un bruit bizarre, après 10m il n'y avait plus le bruit mais on n'avançait plus et pour cause quelqu'un avait retiré la goupille de l'hélice et celle-ci était tombée au fond. Grosse colère auprès du jeune qui après négociation plonge pour la récupérer, heureusement qu'elle était blanche car la nuit tombait et ici le sable est noir.
Dans la rubrique désormais classique « le monde est petit », on débarque le premier soir pour faire le tour du port et on tombe en arrêt devant la façade d'une maison où trônait l'enseigne « Crêperie », évidemment nous nous présentons à l'entrée où un couple d'européens sirotent leur apéro, ils nous demandent si nous sommes français, ce à quoi je réponds d'habitude : « non bretons » aussitôt ils nous appellent la patronne qui nous dit être d'à côté de Concarneau, comme nous lui demandons d'où exactement elle nous avoue qu'elle était gérante de la crêperie de la Pommeraie à St Philibert, quand on lui dit être de Trévignon, elle nous appelle son frère qui était un des membres fondateurs du groupe Micamac qui se produit tous les étés au carré des larrons en ville close de Concarneau! Comme crêperie c'est vraiment symbolique car elle n'a qu'une petite bilig Tefal vendue par Krampous, je lui demande alors si ce n'est pas elle qui avait fait une demande à laquelle j'avais répondu sur le site des navigateurs STW, afin que des bateaux de passage lui fassent parvenir
les vrais biligs et bingo c'est une de ses copines qui l'avait fait, j'y avais répondu favorablement mais je n'avais plus eu de nouvelles avant notre départ, elle était évidemment très déçue d'autant plus que quelques temps avant nous Philippe Poupon était passé chez elle avec son nouveau grand bateau et lui avait avoué avoir plein de place à bord.
Après une semaine sur cette île nous partons toujours en compagnie de Joël pour une petite navigation de 46Mn vers Sao Vicente, le vent sera fort au départ nous obligeant à mettre la trinquette, mais il nous permettra aussi de passer rapidement au nord des îlots Raso, Branco et de l'île de Santa Luzia avant de s'engager dans le chenal séparant Sao Vicente de Santo Antao large de 7 milles mais comme la visibilité n'était pas bonne nous ne verrons même pas les hautes montagnes de cette dernière. Mouillage sur ancre entre le quai et la marina dans 3m d'eau.

Le lendemain nous allons faire le tour des autorités pour les papiers d'entrée et nous retrouvons un « bateau copain », Khéops II le Sun Fizz d'Eric et Jo que nous avions connu à la Graciosa, retrouvé à Santa Cruz de Ténerife et à la Goméra. Ils nous présentent un couple Martine et Christian qui ont le même bateau que nous mais en 40 pieds, plus tard nous apprendrons que c'était leur bateau près duquel nous étions à Puerto Calero à Lanzarote avec sa bôme cassée, nous l'avions pris pour un Atlantis 430 mais c'était un 400. De retour par la marina nous retrouvons aussi les « bateaux copains » Harmonie l'Azzuro 42 de Denis et Edith et Alazado l'Ovni 360 d'Yves et Elisabeth connus à Porto Santo et participant au Rallye des Iles du Soleil (RIDS) qui sont passés entre temps au Maroc et au Sénégal, nous les retrouverons au Brésil. Nous retrouvons également Michel et Marie Jo de Gouesnach qui ont leur bateau à Port la Forêt, déjà rencontrés à Ténérife et qui partent deux jours plus tard pour les Antilles.
La première impression de Mindelo la principale ville de Sao Vicente est mitigée, la baie est magnifique, le mouillage tranquille mais c'est un port très important avec beaucoup de passage, les paquebots y font escale et tout ceci n'incite pas beaucoup de jeunes à travailler, on retrouve donc un peu de la mendicité existant au Sénégal chose qu'on n'avait pas vu sur les deux îles précédentes, les contacts avec la population sont aussi plus difficiles.


Fidèles à nos habitudes de marche, avec Joël nous entrainerons Martine et Christian à l'assaut du sommet de l'île, le Monte Verde qui ne fait que 750m, la montée est assez facile par un chemin pavé comme d'habitude, la vue du sommet est très belle avec en face de nous toutes les crête de Santo Antao où nous devons passer 5 jours. Pour ce faire nous amarrons le bateau en sécurité à la marina à côté de son grand frère « Tahaa-Tiva »  l'Atlantis 400.


Il n'y a pas de port de plaisance ni de vrai abri sur Santo Antao ce qui nous oblige à traverser avec le ferry. Ayant réservé une chambre au NW à Ponta do Sol, nous négocions pendant la traversée un aluguer qui nous fera passer par la route centrale passant par les crêtes avec des paysages à couper le souffle sur les différentes vallées. Elle grimpe jusqu'au cratère Cova de Paul puis passe par Espongeiro, Corda et redescend dans la vallée de Ribeira Grande. Notre hôtel est situé face au port et c'est un spectacle époustouflant de voir les barques de pêche rentrer et sortir calculant en fonction de la houle et des trains de vagues.


L'après midi nous irons au petit village de Fontainhas perdu au fond d'une profonde vallée et accessible par un chemin à flanc de falaise.



Le lendemain un aluguer nous ramènera à l'entrée du cratère de Cova de Paul d'où nous entamerons la descente de la vallée du même nom. Les habitants de cette île sont très travailleurs, en majorité paysans ils cultivent et entretiennent les terrasses ancestrales irriguées comme à Madère par de petites levadas. Dans le cratère de ce volcan ils ont la chance d'avoir une grande surface plane mais partout ailleurs ils doivent travailler dur pour entretenir les terrasses sur lesquelles poussent maïs, canne, haricots, carottes, oignons, pommes de terre etc... au bord des cours d'eau ce sont les ignames. Pour la descente nous préférons prendre les petits chemins longeant le cours d'eau et passer ainsi parmi les habitations très pauvres, mais les gens sont très gentils et toujours prêts à nous renseigner sur le bon chemin à suivre. Ils apprécient aussi beaucoup le fait que l'on soit français, aussi quand je les gratifie d'un « Bom Dia », Annick leur dit aussi « Bonjour » auquel ils répondent par bonjour avec un grand sourire!


La descente finit par la route pavée habituelle et la traversée de Eito et Vila das Pombas avant de retrouver l'océan et un aluguer pour nous  ramener chez Fatima où ce soir nous avons commandé une succulente langouste que nous dégusterons avec appétit.

Le lendemain nous changeons complètement d'endroit, après être repassés par Porto Novo, plaque tournante de l'île, nous avons réservé une chambre à l'ouest à « Curral das Vacas », l'après midi nous entamons la montée du « Dordeiro del Norte », raide chemin pavé à flanc de falaise qui nous mènera à un col où se trouvent des carrières de pouzzolane blanche et d'où on voit le chemin menant au sommet de l'île, le « Tope de Coroa » culminant à 1979m, mais son ascension ne sera pas pour cette fois. Le soir un groupe de responsables de Terre d'Aventures séjournent aussi dans l'hôtel et nous en profitons pour nous renseigner auprès de Théo guide à Mindelo, il nous conseille de nous rendre le lendemain dans la vallée d'Alto Mira.

Notre aluguer nous amènera à Alto Miro III et reviendra nous chercher l'après midi à Ribeira da Cruz. La vallée est grandiose et somptueuse, c'est un immense canyon dont tous les flancs sont travaillés en terrasses mais d'une manière bien plus efficace que dans la vallée de Paul, la descente sera longue mais agréable avec toujours de sympathiques rencontres avec les habitants, la fin se termine par une descente vertigineuse sur une plage de galets que descendront bien plus vite que nous les ânes des paysans dont c'est l'unique moyen de transport. Si l'on descend, il faut remonter et évidemment si elle est vertigineuse d'un côté, elle est très dure de l'autre, mais c'est à ce prix que nous arriverons à Ribeira da Cruz pour récupérer notre aluguer.

Le 4 décembre, dernier jour sur l'île, nous regagnons Porto Novo pour reprendre un aluguer nous amenant par la route côtière de l'Est à Pontinha de Janela, là le ferry repartant à 17h nous ferons un plus petit tour dans la vallée et au village en bord de mer. Retour à Mindelo fatigués et heureux de cette escapade.
Le dimanche à Mindelo il ne faut pas rater le déjeuner chez « Loutcha » à Calhau en bord de mer. Il faut d'abord se rendre à son hôtel au centre de Mindelo, là un aluguer prend toutes les personnes présentes et les amène à son restaurant de Calhau, pour 15 Euros on a le droit à un buffet gargantuesque tout cela animé par un orchestre de 6 musiciens avec une belle terrasse et des fauteuils suspendus pour faire sa sieste. Le bonheur...
Le soir nous retrouverons notre ami suisse Jean Pierre et sa compagne Véronique arrivant de Sao Nicolau avec Alya leur Nicholson 31, ils nous rejoindront au Brésil.
Lundi Martine et Christian quittent les pontons pour la grande traversée, ce sera notre tour le lendemain et nous lesretouverons à Salvador, mais ceci est une autre histoire.



LA TRAVERSEE

A Mindelo quand j’affichais le Way Point de Salvador de Bahia, cela me donnait 1955Mn en ligne directe soit plus de 3500Kms, autrement dit les traversées réalisées jusque là n’étaient que du pipi de chat, en se basant sur une moyenne de 5Nds de vitesse soit 120Mn par jour cela nous donnait environ 17 jours de traversée…si tout se passait bien.

Les derniers jours après notre escapade à Santo Antao ont été consacrés à la préparation du bateau et de l’approvisionnement. Bien que sur ce dernier point cela ne consistait qu’à acheter des produits frais, fruits et légumes, le plein des autres denrées ayant été fait aux Canaries.

Nous sommes donc partis le 8 décembre à 11H15TU. Jusqu’au 13/12 le vent sera d’E/NE entre 15 et 22Nds et nous garderons le cap 196° jusqu’à 5° de latitude N. cela nous permettant d’aligner des journées à plus de 130Mn, le record étant le 11/12 avec 144Mn.

La vie à bord s'est très vite organisée, nous avons gardé l'heure du Cap Vert jusqu'au Brésil et nous avons constaté avec grand plaisir que les jours rallongeaient, au début la nuit arrivait à 18H et à la fin vers 21H, le lever du soleil n'étant pas partagé à cause des quarts. Ceux-ci se sont vite imposés, Annick étant du soir et moi du matin, j'allais me coucher vers 21H jusqu'à 2H et Annick de 2H à 8H, mais n'allez pas croire que nous veillions continuellement. Nous avons à bord un merveilleux appareil qui s'appelle l'AIS, tous les navires de plus de 300 tonneaux sont obligatoirement équipés d'un émetteur récepteur de ce type. Nous, nous n'avons que le récepteur et celui-ci nous avertit par un signal sonore dès qu'un tel navire est en route de collision avec nous dans un rayon de 6Mn. Pour ce qui est des plus petits bateaux, forcément des pêcheurs, il est impossible d'en trouver au large avec des fonds abyssaux. Quand on est de quart, nous mettons en route un minuteur de cuisine réglé sur 60 minutes ce qui nous permet après un tour d'horizon de s'endormir tranquillisé pour une heure, il es évident que ce système n'est pas applicable près des côtes. 

Pour ce qui est des repas, on s’est obligé à conserver des heures fixes 8H, 13H et 20H et on a établi un menu bien défini pour chaque repas en fonction de ce qu’on avait à bord, ainsi celui qui était disposé à le préparer le faisait et cela a duré jusqu’à Salvador sans manquement. Pour en avoir discuté avec d’autres couples à l’arrivée, je pense que pour qu’une grande traversée se passe bien il faut impérativement que tout soit clair et bien planifié, à partir de là le temps passe très vite et les petits problèmes ne prennent pas une importance exagérée.

Une autre des fonctions vitales est la météo et la route à suivre qui en dépend. Nous avons à bord deux possibilités de la recevoir, la BLU et le téléphone par satellite Iridium. Jusque là nous avions reçu cette météo par la BLU, il suffit d’envoyer un e-mail à un robot américain donnant les coordonnées géographiques de la zone concernée et on reçoit en retour un fichier météo qu’un logiciel déjà installé convertit en données très explicites; le principe est le même avec l’Iridium. Malheureusement j’ai constaté à quelques heures du départ que je n’arrivais plus à communiquer par mail avec la BLU et je n’étais pas sûr de pouvoir interpréter ces fichiers via l’Iridium car je n’arrivais pas à les ouvrir, il faut dire que les subtilités de la logique informatique m’ont toujours paru hermétiques. Un peu de panique donc avant le grand saut, heureusement qu’il y a les copains.

Et quel copain!, un mail à Jean Yves de Quimper pour lui demander s’il acceptait de me « router » pour cette traversée et la réponse fusait quelques heures plus tard, OK sans problème, faut dire que Jean Yves avec qui nous étions allés de conserve en Galice deux ans auparavant est aussi passionné que nous par le grand voyage en voilier, le seul hic c’est qu’il est encore professionnellement « actif ». Le point délicat du parcours étant la position de la Zone Intertropicale de Convergence (ZIC) ou Pot au noir, celle-ci évoluant constamment il importe de la passer là où elle est la plus étroite, puis après celle-ci de retrouver au plus vite les alizés de l’hémisphère sud sans qu’ils soient contraires. J’envoyais donc chaque jour à 12HTU un mail via l’Iridium et le soir ou le lendemain matin Jean Yves qui avait toutes les infos à sa disposition m’indiquait si je devais continuer vers le Way Point défini ou si je devais modifier ma route, du vrai travail de pro! C’est ainsi que la traversée s’est déroulée sereinement et que nous n’avons du faire que 19H de moteur pour passer cette ZIC.


Ciel équatorial chargé
Sereinement à part quelques petits soucis inévitables sur une telle distance. Le premier s’est produit le 12 décembre, nous étions tous les deux en train de finir notre déjeuner, le bateau filant bien à 6/7Nds quand je constate des plis dans le génois, un coup d’œil en tête de mât et je vois que la voile n’est plus tenue par la drisse, soit le bout s’est usé et cassé soit la manille a explosé, nous affalons aussitôt la voile et c’est la manille qui est en cause. Pas d’autre solution que de monter en tête de mât, heureusement que lors de la préparation du bateau au Chantier du Minaouët j’avais posé des marches rétractables le long du mât. Une fois la grand voile affalée et moi assuré j’ai commencé à l’escalader, au début c’est facile mais plus on monte plus le tangage se fait sentir du fait de la houle et quelques jours après j’ai constaté que mes bras étaient couverts de bleus, dans ces cas là on ne se pose pas de questions, il faut agir vite et une heure et demie plus tard, la manille changée et les voiles hissées on repartait.

Pas bien loin puisqu’à 16H je constate que la fixation du hale-bas en pied de mât a du jeu. En fait au départ de France j’avais du faire escale aux Sables d’Olonne pour changer les vis de fixation bien spécifiques de cette pièce et je m’aperçois que des vis se sont désserrées malgré les écrous nylstop, je rajoute donc des contre-écrous et c’est reparti. Le 15, un petit moment de découragement en voyant le vent refuser et le cap nous menant droit vers l’Amazone, mais bon 24H après cela allait mieux.

Nous n’avons pas eu de gros orages lors du passage de la ZIC, quelques éclairs dans le lointain et de gros nuages qui nous ont donné de la pluie tropicale, aussitôt sorti le Tahiti douche mais ce n’est pas évident de bien se rincer, cela ne vaut pas une pomme de douche!

Ca y est, nous sommes dans l'hémisphère sud!


Le 17 décembre à 13H nous franchissons l’équateur, nous ne faillirons pas à la tradition et nous déboucherons une bouteille de champagne pour en donner une bonne rasade à Neptune…et une autre pour chacun de nous bien sûr, je pense qu’il a apprécié car les conditions de mer sont toujours restées bonnes jusqu’au Brésil.


Et une rasade de champagne pour Neptune
Nous avons été très étonnés du manque de vie animale dans cette partie de l’Atlantique, pas de dauphins ni autres mammifères, par contre à l’arrivée nous apprendrons que trois bateaux avaient heurté des cétacés près des rochers St Paul que nous avons laissé à 35Mn à babord. Normal pour les oiseaux vu la distance de la terre, malgré tout un paille en queue deux jours après le départ et une sorte de pétrel s’est posé un quart d’heure sur notre ancre au niveau de l’équateur. Par contre que de poissons volants et quelle odeur ils laissent en s’envolant par bancs entiers.

Une petite pause
Pour ce qui est d’autres bateaux, nous avons navigué à vue pendant trois jours avec un autre voilier, 24H après avoir quitté le Cap Vert, qui n’a jamais répondu à nos appels VHF tant en français qu’en anglais, doublé au moteur la nuit du pot au noir un voilier qui n’était signalé que par son feu de mouillage et nous avons croisé quelques cargos en se rapprochant des côtes brésiliennes. Le 23 décembre par contre notre AIS nous signale à 12H30 qu’un bateau vient vers nous, nous voyons une masse blanche à l’horizon et bien que nous suivons notre cap, il semble toujours progresser vers nous, nous distinguons bientôt de nombreuses antennes et radars et en voyant bientôt un liséré bleu et jaune le long de la coque le doute n’est plus permis, c’est bien un bateau d’Ifremer!


L'Atlante d'Ifremer
Dès que le nom est lisible, c’est l’Atlante que nous voyons de temps en temps en cale sèche à Concarneau, je prends donc le combiné VHF et j’entame une conversation inattendue à 250Mn de l’arrivée. L’officier de quart me dit avoir repéré de loin notre bateau, qu’en se rapprochant en connaisseur certainement il s’est douté que c’était un bateau de voyage français, nous lui avons dit que nous étions de la région de Concarneau, il nous a répondu qu’une partie de l’équipage en était aussi, nous avons demandé si par hasard il connaissait notre voisin de Trévignon Eric Sarollo, affirmatif et il nous a appris qu’ils venaient d’Argentine et qu’ils allaient à Pointe à Pitre, nous lui avons raconté notre programme et chacun s’en est allé dans sa direction. Encore une fois que le monde est petit.

Le 24 décembre au soir, à 100Mn de l’arrivée vers 21H nous fêtions notre premier réveillon de Noël en mer, au menu foie gras et champagne, le confit de canard attendant le lendemain midi, finalement nous étions très contents de le fêter à deux juste avant de retrouver la terre ferme.


Arrivée devant Salvador de Bahia
Le lendemain vers 17HTU nous longions la côte Est de Salvador hérissée d’immeubles gigantesques, non ce n’est pas encore New York mais ça dépayse! Aux pontons de la marina nous sommes accueillis par Martine et Christian de l’Atlantis 400 Tahaa Tiva partis un jour avant nous et arrivés depuis trois jours.



2050Mn parcourus en 17 jours, nous sommes heureux de cette première grande traversée, merci Jean Yves et maintenant à la découverte du Nouveau Monde!